L’électromobilité aggrave-t-elle une pénurie d’électricité imminente?

La hausse record des prix de l'énergie et le risque de pénurie d'électricité ont fait monter la température l'année dernière. Dans ce débat émotionnel, la question se pose également de savoir si les voitures électriques, avec leurs énormes batteries, aggravent le problème.

Les déclarations en ce sens inquiètent les automobilistes qui envisagent actuellement de passer d’une voiture thermique à une voiture électrique. Vaut-il mieux attendre avant d’en acheter une afin de ne pas augmenter la consommation d’électricité?

L’électromobilité aujourd’hui: une faible part de la consommation d’électricité

Pour répondre à cette question, cela vaut la peine de jeter un coup d’œil à la Statistique globale suisse de l’énergie 2022, publiée par la Confédération au cours de l’été 2023. Pour la première fois, elle présente séparément la consommation d’électricité pour l’électromobilité dans le secteur des transports. Selon ce rapport, les véhicules électriques auraient consommé 352 GWh d’électricité en 2022. Si l’on rapporte ce chiffre à la consommation totale d’électricité de la Suisse, qui s’élève à 57 TWh, la part de l’électromobilité s’élevait à 0,6%.

Cette valeur se référait au parc de voitures électriques en 2021. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, les véhicules électriques (hybrides rechargeables et voitures purement électriques) représentaient alors environ 2,5% de l’ensemble du parc de voitures particulières. Aujourd’hui, cette part se situe probablement entre trois et quatre pour cent, plusieurs dizaines de milliers de nouveaux véhicules électriques ayant encore été vendus cette année. Néanmoins, l’ensemble des voitures électriques représente nettement moins d’un pour cent de la consommation d’électricité en Suisse.

Cela montre que l’influence de l’électromobilité sur une éventuelle pénurie d’électricité durant l’hiver prochain est négligeable. «Le nombre de véhicules électriques est encore trop faible pour avoir un impact significatif sur la demande d’électricité», explique Rami Syväri, responsable de la division Mobilité chez Energie 360°. «Mais les conducteurs·trices de voitures électriques peuvent également contribuer à ce que la Suisse consomme moins d’électricité dans les mois à venir.» Cela peut se faire d’une part en adoptant un style de conduite économique et d’autre part en troquant plus souvent la voiture électrique contre le vélo ou les transports publics. Et il est conseillé aux personnes qui achètent maintenant leur voiture électrique de choisir un modèle aussi petit et léger que possible.

Encourager la transformation grâce aux voitures électriques

Réduire la consommation d’énergie de son propre véhicule électrique est donc tout à fait logique, notamment au regard de la hausse des prix de l’électricité. En revanche, cela n’apporte rien à la sécurité de l’approvisionnement de repousser l’achat d’une voiture électrique. «Avec la feuille de route mobilité électrique 2025, à laquelle nous participons également, la Suisse s’est fixé un objectif clair: d’ici 2025, les véhicules électriques doivent atteindre une part de 50% dans les nouvelles immatriculations», explique Rami Syväri. «Si nous abandonnons maintenant cet objectif et stoppons la transformation du parc automobile suisse, nous ne résolvons certes pas le problème d’une pénurie d’électricité imminente, mais nous accélérerons le changement climatique.»

Au regard des objectifs climatiques de la Suisse, il apparaît à quel point il est nécessaire d’agir dans le secteur des transports. Selon le dernier inventaire des gaz à effet de serre de la Confédération, les émissions de gaz à effet de serre des voitures particulières n’ont diminué que de 8% entre 1990 et 2020. À titre de comparaison, les émissions de gaz à effet de serre des ménages ont baissé de 40% au cours de la même période, notamment grâce à une meilleure isolation des bâtiments et à des chauffages plus efficaces.

Le grand avantage des voitures électriques: leur grande efficacité énergétique

L’électromobilité représente désormais une opportunité de rattraper ce retard dans le secteur des transports. En effet, les voitures électriques fonctionnent environ trois fois plus efficacement que les voitures équipées d’un moteur à combustion. Et alors que ces dernières dépendent de carburants importés, l’infrastructure de recharge pour les véhicules électriques peut être entièrement alimentée par de l’énergie renouvelable et locale. Selon Stefan Funk, responsable Technologie & Solutions Mobilité, Energie 360° utilise, par exemple, pour ses solutions de recharge exclusivement du courant écologique: «L’électromobilité contribue ainsi à réduire la demande en énergie fossile.»

À l’avenir: intégrer les voitures électriques dans le Smart Grid

Le fait que les voitures électriques n’aient encore que peu d’impact sur l’approvisionnement en électricité en Suisse n’est toutefois que momentané. Parallèlement à l’augmentation des ventes de voitures électriques neuves, les besoins en électricité de l’infrastructure de recharge augmenteront progressivement. L’association Swiss eMobility présente des chiffres impressionnants dans son analyse «2035: scénario de pénétration du marché pour les véhicules à prise (PEV) en Suisse». Selon cette étude, le parc suisse de voitures particulières comptera en 2035 entre 2,4 et 2,9 millions de voitures électriques et les besoins annuels en électricité atteindront entre 5400 et 6700 GWh. Cela correspond à environ un dixième de la consommation totale d’électricité.

Mais d’ici là, la Suisse aura largement transformé son système énergétique. Les problèmes actuels liés à la menace d’une pénurie d’électricité devraient appartenir au passé depuis longtemps. En effet, des énergies renouvelables seront disponibles en quantité suffisante d’ici là et seront utilisées de manière optimale à l’aide de technologies intelligentes afin d’éviter des pics de charge trop importants sur le réseau électrique. Le défi ne sera donc plus la quantité d’énergie nécessaire, mais le pic de puissance. L’électromobilité le lisse en chargeant intelligemment aux heures creuses, lorsque la demande en énergie est faible. Cela permet de soulager le réseau électrique, mais aussi de réduire les coûts globaux du système énergétique.

Pour ce faire, les voitures électriques seront un jour intégrées au Smart Grid via l’infrastructure de recharge bidirectionnelle et feront valoir leurs avantages en tant que charges réglables et stockages mobiles. Grâce à leur grand nombre, elles contribueront alors largement à la stabilité des réseaux. Ou pour reprendre les mots de Rami Syväri: «L’électromobilité est une solution au problème de l’avenir énergétique durable.»